
Illustrations: Anne DAYOT
Dans le cadre d’une formation, des professionnels de santé pratiquant l’hypnose sont amenés à réfléchir sur leur posture dans la relation avec
le patient. Et pour illustration, deux situations où un(e) soignant(e) expose et partage son problème face au groupe qui le(la) conduit par l’échange et le questionnement sur la voie des ressources et solutions.
Le dispositif que nous appellerons ici « super-inter-vision » fait partie de la formation en Hypnose et thérapies brèves plurielles (HTBP) que nous proposons (1). Il a lieu sur le troisième cycle, c’est-à-dire que les professionnels de santé ont déjà bénéficié de 140 heures de formation en hypnose et thérapies brèves et sont engagés dans ce processus depuis au moins un an.
Le groupe de participants est constitué d’une douzaine de professionnels de santé variés (médecin, dentiste, infirmier, psychologue, sage-femme, aide-soignant, kinésithérapeute, psychomotricien, orthophoniste, éducateur...). Le champ de la santé physique côtoie celui de la santé mentale et cette mixité est une réelle richesse dans les échanges tant sur les regards cliniques que sur les pratiques et la façon d’intégrer HTBP dans différents contextes de travail. L’équipe de formateurs est, elle aussi, pluridisciplinaire. En binôme, un somaticien et un psy, le plus souvent, pour croiser les regards et ouvrir un espace d’échange et de discussion plutôt que transmettre une parole unique.
Lors du premier cycle, les apprenants ont acquis les bases de l’approche intégrative mêlant thérapie brève solutionniste, stratégique, narrative et hypnose. Ils se sont exercés ensemble et une dynamique de groupe s’est créée. Puis lors du deuxième cycle, ils ont abordé des notions plus complexes et se sont appropriés cette approche intégrative et ces techniques, dans leur quotidien, en les adaptant à leur contexte de travail singulier et à leur personnalité.
Lors du troisième cycle, le travail va être un peu différent. Nous leur proposons d’utiliser l’approche HTBP non plus en direction du patient mais pour réfléchir sur leur posture dans la relation avec le patient. Les participants sont donc invités à partager des situations professionnelles (parfois personnelles) où ils ont utilisé l’approche HTBP. Pour faciliter la compréhension, nous nommerons « soignant » celui qui amène une situation clinique. Et nous demandons au groupe de questionner le soignant, de l’accompagner avec cette même approche comme un thérapeute multicéphale. Le soignant se retrouve alors en même temps client et en position de métacognition. Les situations évoquées sont souvent celles qui ont été sources de difficultés : avec les patients, les familles, l’équipe ou l’institution. Il ne s’agit pas ici d’échanger des conseils sur la technique ou d’autres manières de réagir ou d’appréhender cette même situation avec ce patient (partage d’expériences), mais de permettre au soignant de s’interroger
sur : en quoi cette situation est un problème pour moi ? Nous nous intéressons à la situation relationnelle et à la posture du soignant afin qu’il puisse s’adapter à chaque situation relationnelle rencontrée.
Notre tâche de formateur est double : accompagner l’entretien HTBP, comme chaque membre du groupe, et rester vigilant sur la méthode. Quand le groupe se disperse (par exemple : la question ne tient pas compte de la réponse précédente, l’intention portée par la question n’est pas claire, son but semble plus étoffer le problème que la solution ou que les questions ne suivent pas la même stratégie), nous recentrons vers ce qui est utile (ressources, exceptions...), aidons à repérer les éléments exploitables (verbal, non verbal, métaphores, externalisation...), posons des questions ouvertes pour favoriser la réflexion de chacun. Nous proposons également des liens avec l’hypnose (en guidant ou en construisant avec le groupe une séance) pour utiliser ce qui se passe spontanément, amplifier le travail réalisé par le soignant au cours de l’entretien ou revenir à l’essentiel, car les échanges entrecoupés de réflexions ou de rappels techniques sont parfois source de confusion pour les participants qui auraient la sensation de perdre le fil. La transe permet alors au(x) soignant(s) de faire le tri dans ce qui a été abordé et remettre du sens, et donc donner tout son sens, à l’entretien qui vient d’être vécu. Elle peut être formelle ou conversationnelle, faite au moment où elle s’invite ou préparée en groupe, menée à une ou plusieurs voix. Elle peut également venir animer le groupe de témoins extérieurs (2) quand la voie narrative a été privilégiée. La transe rassemble tous les participants, les situations pouvant facilement faire écho chez chacun.
Pour cadrer et faciliter certains échanges, nous proposons plusieurs voies possibles d’entretien.
1. La voie du « thérapeute multicéphale » : le questionnement HTBP passe d’un participant à l’autre, chacun prend la suite d’un échange qu’il n’a pas commencé. Cette voie intensifie l’entraînement à l’écoute, l’observation de tout ce qui se passe et la réflexion sur la formulation de la question suivante en lien avec l’intention thérapeutique. C’est certainement l’exercice qui sollicite le plus le travail de métacognition.
2. La voie « métaphorique », avec l’utilisation libre de métaphores. Soit en filant celle du soignant qui peut être par exemple une transcription imagée des problèmes/ressources comme un récit. Soit par associations libres, le soignant donne une image, un mot et/ou un ressenti sans expliciter plus et chacun rebondit à tour de rôle en associant avec une image, une idée ou un ressenti qui lui vient là, maintenant.
3. En jeux de rôle. En binôme, le soignant joue son propre rôle, un autre stagiaire joue le patient. Les autres stagiaires observent. Ils constituent les témoins extérieurs ou l’équipe réfléchissante (3). Cette voie permet d’abord au soignant de jouer l’interaction un peu différemment, ressentir/percevoir autrement. Puis il échange avec son partenaire de jeu qui lui fait un retour sur ce qu’il a vécu (dans son corps, ses pensées, ses émotions et la re* Lation). Et enfin, les observateurs partagent leurs réflexions de façon valorisante et soutenante, ils évoquent également comment cela a résonné en eux. Ces échanges sont riches non seulement pour le soignant mais également pour le groupe. Cette voie permet d’ouvrir à d’autres points de vue, de travailler sur la relation au travers des ressentis corporels, émotions, pensées des participants.
À la fin de chaque session, les étudiants reçoivent un compte rendu des échanges (verbatim plus analyse) qu’ils peuvent retravailler dans l’après-coup.
POUR ILLUSTRER NOTRE PROPOS, VOICI DEUX SITUATIONS.
Situation 1 : Tom est infirmier dans un service d’endoscopie
* Groupe : « En quoi pouvons-nous t’être utile aujourd’hui ?
* Tom : J’ai vu une patiente. Lorsque nous avons échangé avant l’examen, impossible d’obtenir quelque chose de positif. Je questionne les exceptions, rien. Elle parle peu, répond a minima et je vois le temps qui passe et elle n’a pas l’air bien. Alors ma question c’est : comment faire de ces moins, des plus avec elle ?
* Groupe : En quoi est-ce un problème pour toi ?
* Tom : Son discours n’est pas assez consistant pour que j’aie une accroche.
* Groupe : Qu’est-ce qui te fera dire que tu as bien fait d’en parler aujourd’hui ?
* Tom : Si je peux faire différemment les prochaines fois, faire face, faire de mon mieux et trouver des solutions dans des situations comme celle-là.
* Groupe : Comment ça se passe habituellement ?
* Tom : D’habitude, c’est plus fluide, ça se passe bien, j’ai peu d’échecs comme ça. Là c’est comme si je n’avais rien pu faire.
* Groupe : Et qu’est-ce qui fonctionne quand ça se passe bien ?
* Tom : Ça matche tout de suite, je vais les chercher dans la salle d’attente, et puis tout est simple, un sourire, quelques mots, une petite blague et c’est lancé, le soin se passe comme prévu.
* Groupe : Si nous comprenons bien, tu nous dis : “je souhaiterais pour la prochaine fois améliorer la situation pour ces personnes, le soin prévu. J’ai l’habitude que ça matche au début dès la rencontre”.
* Tom : Oui, c’est ça, parce que d’habitude les gens parlent, c’est rare de répondre seulement par oui ou non, j’ai toujours un peu de matière. Là, je me suis senti pris au dépourvu, complètement démuni (Tom a un air grave, la charge émotionnelle est ressentie par le groupe). Mais chacun est différent... le reste du temps tout va bien, c’est rare les situations comme ça, heureusement (Tom rit).
* Groupe : Qu’est-ce que ça te fait d’en parler ? * Tom : Je suis embêté... j’ai un sentiment d’échec... comme une petite tristesse...
* Groupe : On a une question difficile à te poser. Est-ce que tu veux bien y réfléchir ? (Tom hoche la tête). Tu nous as dit que la plupart du temps ça se passe bien avec les patients... (Tom hoche de tête), c’est fluide... (Tom hoche la tête), ça matche tout de suite (Tom hoche la tête). Imagine... que tout se passe bien avec cette dame, qu’est-ce qui se passe de différent... quand tu sens que tout va bien ?
* Tom : (latence)... Au moment où je vais la chercher, je peux croiser son regard direct, je l’accompagne en mettant ma main dans son dos, il y a une connexion...
* Groupe : Et quoi d’autre ?
* Tom : Je me nourris de sa bonne humeur (Tom rit)... On gagne vite la confiance (Tom semble plus à l’aise, sourit).
* Groupe : Comment tu te sens à ce moment-là ?
* Tom : Je suis bien, comme un poisson dans l’eau.
* Groupe : C’est comment dans ton corps quand tu es comme un poisson dans l’eau ?
* Tom : C’est fluide, comme dans l’eau, je me sens dynamique, vivant, plein d’enthousiasme. * Groupe : Et ça te permet quoi quand tu es dynamique, vivant et plein d’enthousiasme ?
* Tom : De l’autonomie.
* Groupe : Que fais-tu quand tu as de l’autonomie ?
* Tom : Je m’autorise plus de liberté, je me sens heureux, heureux d’avoir aidé.
* Groupe : Tu le ressens où dans ton corps ?
* Tom : Partout ! Tout mon corps est plus dynamique (mouvement de main comme si ça circulait).
* Groupe : Dans tout ton corps, comme ça... (nous refaisons le même mouvement de main que Tom en miroir).
* Tom : Oui, du bas vers le haut.
* Groupe : Comment tes collègues voient que tu es heureux d’avoir aidé ?
* Tom : J’ai le sourire, je suis plus joyeux, plus ouvert aux échanges, je communique plus facilement.
* Groupe : Qu’est-ce que ça nous dit de toi tout ça ? En termes de valeur ?
* Tom : J’aime mon travail et me sentir utile. Je veux que ça se passe bien, que les gens se sentent le mieux possible quand ils passent des examens chez nous.
* Groupe : Si demain une autre situation comme celle-là se présentait, comment réagirais-tu, après tout ce que tu viens de nous dire ? * Tom : Je me positionnerais différemment.
* Groupe : Comment ?
* Tom : En captant le regard de cette dame, peut-être en me mettant au même niveau qu’elle.
* Groupe : D’autres idées ?
* Tom : Ou faire comme si j’étais au même niveau qu’elle, faire comme avec les autres personnes avec qui ça se passe bien, continuer de chercher son regard, d’engager le dialogue, être avec elle... -Groupe:Sur une échelle de 1 à 10, où1 0 serait “tu te sens confortable pour envisager une autre situation comme celle-là” et 1 l’inverse, où te situes-tu maintenant ?
* Tom (en riant) : Avant j’aurais dit 3... maintenant je dirais 7. »
Le questionnement permet dans un premier temps de s’affilier, s’accorder avec Tom, le rejoindre là où il en est, bien comprendre son problème, être sûr qu’il demande de l’aide au groupe et parvenir à une relation de coexpertise avec lui (modèle de Bruges). Le visage de Tom se veut souriant et son attitude est un peu nonchalante, mais le groupe perçoit dans le non verbal que cette situation semble l’avoir vraiment déstabilisé.
La question « en quoi est-ce un problème pour toi ? » permet au groupe non seulement d’identifier SON problème, mais aussi de maintenir une position décentrée et influente, l’objectif n’étant pas de chercher des solutions à sa place. Puis la question « qu’estce qui te fera dire que tu as bien fait d’en parLer aujourd’hui ? » permet de progresser vers un projet commun (cf. Korman) sur lequel soignant et groupe pourront se mettre d’accord pour travailler : « Faire différemment les prochaines fois, faire face, faire de mon mieux et trouver des solutions dans des situations comme celle-là. »
Le groupe questionne ensuite les ressources :
« comment ça se passe habituellement ? », et « qu’est-ce qui fonctionne quand ça se passe bien ? ». Les réponses continuent aussi de nous donner des informations sur ce qui pose problème à Tom....
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le patient. Et pour illustration, deux situations où un(e) soignant(e) expose et partage son problème face au groupe qui le(la) conduit par l’échange et le questionnement sur la voie des ressources et solutions.
Le dispositif que nous appellerons ici « super-inter-vision » fait partie de la formation en Hypnose et thérapies brèves plurielles (HTBP) que nous proposons (1). Il a lieu sur le troisième cycle, c’est-à-dire que les professionnels de santé ont déjà bénéficié de 140 heures de formation en hypnose et thérapies brèves et sont engagés dans ce processus depuis au moins un an.
Le groupe de participants est constitué d’une douzaine de professionnels de santé variés (médecin, dentiste, infirmier, psychologue, sage-femme, aide-soignant, kinésithérapeute, psychomotricien, orthophoniste, éducateur...). Le champ de la santé physique côtoie celui de la santé mentale et cette mixité est une réelle richesse dans les échanges tant sur les regards cliniques que sur les pratiques et la façon d’intégrer HTBP dans différents contextes de travail. L’équipe de formateurs est, elle aussi, pluridisciplinaire. En binôme, un somaticien et un psy, le plus souvent, pour croiser les regards et ouvrir un espace d’échange et de discussion plutôt que transmettre une parole unique.
Lors du premier cycle, les apprenants ont acquis les bases de l’approche intégrative mêlant thérapie brève solutionniste, stratégique, narrative et hypnose. Ils se sont exercés ensemble et une dynamique de groupe s’est créée. Puis lors du deuxième cycle, ils ont abordé des notions plus complexes et se sont appropriés cette approche intégrative et ces techniques, dans leur quotidien, en les adaptant à leur contexte de travail singulier et à leur personnalité.
Lors du troisième cycle, le travail va être un peu différent. Nous leur proposons d’utiliser l’approche HTBP non plus en direction du patient mais pour réfléchir sur leur posture dans la relation avec le patient. Les participants sont donc invités à partager des situations professionnelles (parfois personnelles) où ils ont utilisé l’approche HTBP. Pour faciliter la compréhension, nous nommerons « soignant » celui qui amène une situation clinique. Et nous demandons au groupe de questionner le soignant, de l’accompagner avec cette même approche comme un thérapeute multicéphale. Le soignant se retrouve alors en même temps client et en position de métacognition. Les situations évoquées sont souvent celles qui ont été sources de difficultés : avec les patients, les familles, l’équipe ou l’institution. Il ne s’agit pas ici d’échanger des conseils sur la technique ou d’autres manières de réagir ou d’appréhender cette même situation avec ce patient (partage d’expériences), mais de permettre au soignant de s’interroger
sur : en quoi cette situation est un problème pour moi ? Nous nous intéressons à la situation relationnelle et à la posture du soignant afin qu’il puisse s’adapter à chaque situation relationnelle rencontrée.
Notre tâche de formateur est double : accompagner l’entretien HTBP, comme chaque membre du groupe, et rester vigilant sur la méthode. Quand le groupe se disperse (par exemple : la question ne tient pas compte de la réponse précédente, l’intention portée par la question n’est pas claire, son but semble plus étoffer le problème que la solution ou que les questions ne suivent pas la même stratégie), nous recentrons vers ce qui est utile (ressources, exceptions...), aidons à repérer les éléments exploitables (verbal, non verbal, métaphores, externalisation...), posons des questions ouvertes pour favoriser la réflexion de chacun. Nous proposons également des liens avec l’hypnose (en guidant ou en construisant avec le groupe une séance) pour utiliser ce qui se passe spontanément, amplifier le travail réalisé par le soignant au cours de l’entretien ou revenir à l’essentiel, car les échanges entrecoupés de réflexions ou de rappels techniques sont parfois source de confusion pour les participants qui auraient la sensation de perdre le fil. La transe permet alors au(x) soignant(s) de faire le tri dans ce qui a été abordé et remettre du sens, et donc donner tout son sens, à l’entretien qui vient d’être vécu. Elle peut être formelle ou conversationnelle, faite au moment où elle s’invite ou préparée en groupe, menée à une ou plusieurs voix. Elle peut également venir animer le groupe de témoins extérieurs (2) quand la voie narrative a été privilégiée. La transe rassemble tous les participants, les situations pouvant facilement faire écho chez chacun.
Pour cadrer et faciliter certains échanges, nous proposons plusieurs voies possibles d’entretien.
1. La voie du « thérapeute multicéphale » : le questionnement HTBP passe d’un participant à l’autre, chacun prend la suite d’un échange qu’il n’a pas commencé. Cette voie intensifie l’entraînement à l’écoute, l’observation de tout ce qui se passe et la réflexion sur la formulation de la question suivante en lien avec l’intention thérapeutique. C’est certainement l’exercice qui sollicite le plus le travail de métacognition.
2. La voie « métaphorique », avec l’utilisation libre de métaphores. Soit en filant celle du soignant qui peut être par exemple une transcription imagée des problèmes/ressources comme un récit. Soit par associations libres, le soignant donne une image, un mot et/ou un ressenti sans expliciter plus et chacun rebondit à tour de rôle en associant avec une image, une idée ou un ressenti qui lui vient là, maintenant.
3. En jeux de rôle. En binôme, le soignant joue son propre rôle, un autre stagiaire joue le patient. Les autres stagiaires observent. Ils constituent les témoins extérieurs ou l’équipe réfléchissante (3). Cette voie permet d’abord au soignant de jouer l’interaction un peu différemment, ressentir/percevoir autrement. Puis il échange avec son partenaire de jeu qui lui fait un retour sur ce qu’il a vécu (dans son corps, ses pensées, ses émotions et la re* Lation). Et enfin, les observateurs partagent leurs réflexions de façon valorisante et soutenante, ils évoquent également comment cela a résonné en eux. Ces échanges sont riches non seulement pour le soignant mais également pour le groupe. Cette voie permet d’ouvrir à d’autres points de vue, de travailler sur la relation au travers des ressentis corporels, émotions, pensées des participants.
À la fin de chaque session, les étudiants reçoivent un compte rendu des échanges (verbatim plus analyse) qu’ils peuvent retravailler dans l’après-coup.
POUR ILLUSTRER NOTRE PROPOS, VOICI DEUX SITUATIONS.
Situation 1 : Tom est infirmier dans un service d’endoscopie
* Groupe : « En quoi pouvons-nous t’être utile aujourd’hui ?
* Tom : J’ai vu une patiente. Lorsque nous avons échangé avant l’examen, impossible d’obtenir quelque chose de positif. Je questionne les exceptions, rien. Elle parle peu, répond a minima et je vois le temps qui passe et elle n’a pas l’air bien. Alors ma question c’est : comment faire de ces moins, des plus avec elle ?
* Groupe : En quoi est-ce un problème pour toi ?
* Tom : Son discours n’est pas assez consistant pour que j’aie une accroche.
* Groupe : Qu’est-ce qui te fera dire que tu as bien fait d’en parler aujourd’hui ?
* Tom : Si je peux faire différemment les prochaines fois, faire face, faire de mon mieux et trouver des solutions dans des situations comme celle-là.
* Groupe : Comment ça se passe habituellement ?
* Tom : D’habitude, c’est plus fluide, ça se passe bien, j’ai peu d’échecs comme ça. Là c’est comme si je n’avais rien pu faire.
* Groupe : Et qu’est-ce qui fonctionne quand ça se passe bien ?
* Tom : Ça matche tout de suite, je vais les chercher dans la salle d’attente, et puis tout est simple, un sourire, quelques mots, une petite blague et c’est lancé, le soin se passe comme prévu.
* Groupe : Si nous comprenons bien, tu nous dis : “je souhaiterais pour la prochaine fois améliorer la situation pour ces personnes, le soin prévu. J’ai l’habitude que ça matche au début dès la rencontre”.
* Tom : Oui, c’est ça, parce que d’habitude les gens parlent, c’est rare de répondre seulement par oui ou non, j’ai toujours un peu de matière. Là, je me suis senti pris au dépourvu, complètement démuni (Tom a un air grave, la charge émotionnelle est ressentie par le groupe). Mais chacun est différent... le reste du temps tout va bien, c’est rare les situations comme ça, heureusement (Tom rit).
* Groupe : Qu’est-ce que ça te fait d’en parler ? * Tom : Je suis embêté... j’ai un sentiment d’échec... comme une petite tristesse...
* Groupe : On a une question difficile à te poser. Est-ce que tu veux bien y réfléchir ? (Tom hoche la tête). Tu nous as dit que la plupart du temps ça se passe bien avec les patients... (Tom hoche de tête), c’est fluide... (Tom hoche la tête), ça matche tout de suite (Tom hoche la tête). Imagine... que tout se passe bien avec cette dame, qu’est-ce qui se passe de différent... quand tu sens que tout va bien ?
* Tom : (latence)... Au moment où je vais la chercher, je peux croiser son regard direct, je l’accompagne en mettant ma main dans son dos, il y a une connexion...
* Groupe : Et quoi d’autre ?
* Tom : Je me nourris de sa bonne humeur (Tom rit)... On gagne vite la confiance (Tom semble plus à l’aise, sourit).
* Groupe : Comment tu te sens à ce moment-là ?
* Tom : Je suis bien, comme un poisson dans l’eau.
* Groupe : C’est comment dans ton corps quand tu es comme un poisson dans l’eau ?
* Tom : C’est fluide, comme dans l’eau, je me sens dynamique, vivant, plein d’enthousiasme. * Groupe : Et ça te permet quoi quand tu es dynamique, vivant et plein d’enthousiasme ?
* Tom : De l’autonomie.
* Groupe : Que fais-tu quand tu as de l’autonomie ?
* Tom : Je m’autorise plus de liberté, je me sens heureux, heureux d’avoir aidé.
* Groupe : Tu le ressens où dans ton corps ?
* Tom : Partout ! Tout mon corps est plus dynamique (mouvement de main comme si ça circulait).
* Groupe : Dans tout ton corps, comme ça... (nous refaisons le même mouvement de main que Tom en miroir).
* Tom : Oui, du bas vers le haut.
* Groupe : Comment tes collègues voient que tu es heureux d’avoir aidé ?
* Tom : J’ai le sourire, je suis plus joyeux, plus ouvert aux échanges, je communique plus facilement.
* Groupe : Qu’est-ce que ça nous dit de toi tout ça ? En termes de valeur ?
* Tom : J’aime mon travail et me sentir utile. Je veux que ça se passe bien, que les gens se sentent le mieux possible quand ils passent des examens chez nous.
* Groupe : Si demain une autre situation comme celle-là se présentait, comment réagirais-tu, après tout ce que tu viens de nous dire ? * Tom : Je me positionnerais différemment.
* Groupe : Comment ?
* Tom : En captant le regard de cette dame, peut-être en me mettant au même niveau qu’elle.
* Groupe : D’autres idées ?
* Tom : Ou faire comme si j’étais au même niveau qu’elle, faire comme avec les autres personnes avec qui ça se passe bien, continuer de chercher son regard, d’engager le dialogue, être avec elle... -Groupe:Sur une échelle de 1 à 10, où1 0 serait “tu te sens confortable pour envisager une autre situation comme celle-là” et 1 l’inverse, où te situes-tu maintenant ?
* Tom (en riant) : Avant j’aurais dit 3... maintenant je dirais 7. »
Le questionnement permet dans un premier temps de s’affilier, s’accorder avec Tom, le rejoindre là où il en est, bien comprendre son problème, être sûr qu’il demande de l’aide au groupe et parvenir à une relation de coexpertise avec lui (modèle de Bruges). Le visage de Tom se veut souriant et son attitude est un peu nonchalante, mais le groupe perçoit dans le non verbal que cette situation semble l’avoir vraiment déstabilisé.
La question « en quoi est-ce un problème pour toi ? » permet au groupe non seulement d’identifier SON problème, mais aussi de maintenir une position décentrée et influente, l’objectif n’étant pas de chercher des solutions à sa place. Puis la question « qu’estce qui te fera dire que tu as bien fait d’en parLer aujourd’hui ? » permet de progresser vers un projet commun (cf. Korman) sur lequel soignant et groupe pourront se mettre d’accord pour travailler : « Faire différemment les prochaines fois, faire face, faire de mon mieux et trouver des solutions dans des situations comme celle-là. »
Le groupe questionne ensuite les ressources :
« comment ça se passe habituellement ? », et « qu’est-ce qui fonctionne quand ça se passe bien ? ». Les réponses continuent aussi de nous donner des informations sur ce qui pose problème à Tom....
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CLAIRE CONTE-ROSSIN Psychologue clinicienne et psychothérapeute, pôle de Pédopsychiatrie, Centre hospitalier Esquirol de Limoges (HauteVienne). Formatrice à ACTIIF,
Hypnose et thérapies brèves plurielles (Corrèze). Enseignante au DU Hypnose et thérapies brèves plurielles de Limoges.
CATHERINE MARTIN Docteur en chirurgie dentaire, orthodontie, à Lagraulière (Corrèze). Formatrice à ACTIIF, Hypnose et thérapies brèves plurielles, hypnoanalgésie, Brive-Limoges. Enseignante au DU Hypnose et thérapies brèves plurielles de Limoges.
Hypnose et thérapies brèves plurielles (Corrèze). Enseignante au DU Hypnose et thérapies brèves plurielles de Limoges.
CATHERINE MARTIN Docteur en chirurgie dentaire, orthodontie, à Lagraulière (Corrèze). Formatrice à ACTIIF, Hypnose et thérapies brèves plurielles, hypnoanalgésie, Brive-Limoges. Enseignante au DU Hypnose et thérapies brèves plurielles de Limoges.
N°77 : Mai / Juin / Juillet 2025
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce numéro :
Editorial : « L’empathie et la compassion comme fil d’or du soin » Julien Betbèze
8 / En couverture : Anne Dayot De sable et d’algues Sophie Cohen
10 / Désamorcer les traumas et se replacer dans l’existence par la Psychothérapie du Trauma Réassociative (PTR) Marine Manouvrier et Gérald Brassine
20 / Chemsex, trauma et EMDR-IMO . L’échelle de mesure « croire en moi » Sophie Tournouër
28 / Cothérapie avec Romain Faire émerger les relations sécures Jérémie Roos
36 / La voie métaphorique en « super-inter-vision ». Comment développer la créativité. des soignants Claire Conte-Rossin et Catherine Martin
ESPACE DOULEUR DOUCEUR
46 / Introduction Gérard Ostermann
50 / Empathie et compassion Deux forces pour soigner autrement Olivier de Palézieux
61 / INTERVIEW Mylène Blasco Propos recueillis par Gérard Ostermann
68 / DOSSIER TOC
70 / La société contemporaine : Perfection et fabrique des TOC Grégoire Vitry et Emmanuelle Gallin
82 / La pensée magique dans les TOC Typologie des rituels magiques Claude Michel
QUIPROQUO
98 / Les obsessions S. Colombo, Muhuc
BONJOUR ET APRÈS...
102 / André et son ventre Pour une séance plus qu’émouvante Sophie Cohen
LES CHAMPS DU POSSIBLE
106 / Se cogner au réel Adrian Chaboche
CULTURE MONDE
114 / Dans les sanctuaires du shintō Bruno Bréchemier
LIVRES EN BOUCHE
120 / J. Betbèze et S. Cohen
125 ESPACE FORMATIONS
Illustrations: Anne DAYOT
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce numéro :
Editorial : « L’empathie et la compassion comme fil d’or du soin » Julien Betbèze
8 / En couverture : Anne Dayot De sable et d’algues Sophie Cohen
10 / Désamorcer les traumas et se replacer dans l’existence par la Psychothérapie du Trauma Réassociative (PTR) Marine Manouvrier et Gérald Brassine
20 / Chemsex, trauma et EMDR-IMO . L’échelle de mesure « croire en moi » Sophie Tournouër
28 / Cothérapie avec Romain Faire émerger les relations sécures Jérémie Roos
36 / La voie métaphorique en « super-inter-vision ». Comment développer la créativité. des soignants Claire Conte-Rossin et Catherine Martin
ESPACE DOULEUR DOUCEUR
46 / Introduction Gérard Ostermann
50 / Empathie et compassion Deux forces pour soigner autrement Olivier de Palézieux
61 / INTERVIEW Mylène Blasco Propos recueillis par Gérard Ostermann
68 / DOSSIER TOC
70 / La société contemporaine : Perfection et fabrique des TOC Grégoire Vitry et Emmanuelle Gallin
82 / La pensée magique dans les TOC Typologie des rituels magiques Claude Michel
QUIPROQUO
98 / Les obsessions S. Colombo, Muhuc
BONJOUR ET APRÈS...
102 / André et son ventre Pour une séance plus qu’émouvante Sophie Cohen
LES CHAMPS DU POSSIBLE
106 / Se cogner au réel Adrian Chaboche
CULTURE MONDE
114 / Dans les sanctuaires du shintō Bruno Bréchemier
LIVRES EN BOUCHE
120 / J. Betbèze et S. Cohen
125 ESPACE FORMATIONS
Illustrations: Anne DAYOT
Sophie TOURNOUËR, Supervision et Formation.

Psychologue clinicienne, thérapeute familiale et de couple. Hypnothérapeute, spécialisation en psychotraumatisme.
Formatrice et superviseur au CHTIP COLLÈGE D’HYPNOSE ET THÉRAPIES INTÉGRATIVES DE PARIS, à l’Institut INDOLORE, à l’Institut HYPNOTIM.. Elle est Membre de France EMDR IMO.
Elle est formatrice entre autre sur l'Approche Centrée Solution dans le cadre du CHEMSEX.
Formatrice et superviseur au CHTIP COLLÈGE D’HYPNOSE ET THÉRAPIES INTÉGRATIVES DE PARIS, à l’Institut INDOLORE, à l’Institut HYPNOTIM.. Elle est Membre de France EMDR IMO.
Elle est formatrice entre autre sur l'Approche Centrée Solution dans le cadre du CHEMSEX.