Le changement est l’antidote des obsessions. C’est la dernière trouvaille découverte dans un recoin de mon galetas. Alors je vais l’appliquer de suite à ce « Quiproquo ».
La personne qui vient nous voir pour des pensées intrusives, des comportements compulsifs que nous abrégeons avec l’acronyme TOC, trouble obsessionnel compulsif, est une personne qui souffre et qui, comme toute personne souffrante, a droit à notre respect et à notre écoute afin de l’accompagner au mieux dans son cheminement vers une vie plus apaisée. L’intensité de sa souffrance m’a toujours frappé de même que la dificulté dans la thérapie, elle aussi vite contaminée par le trouble en question.
Quand je me sens proche du patient, je peux mieux me moquer de la maladie présente. Je peux tenir la main de mon patient souffrant d’une maladie de Parkinson et dire au café que, le parkinsonien, pas mon patient, sucre les fraises. Les fraises font habituelle- ment partie du dessert, sauf pour ceux qui en mettent dans la salade ou le risotto. Oui, oui, et pourquoi pas ? Ici, nous sommes encore à l’entrée de notre menu.
Menu menu ou menu pas menu ? Il faut le savoir car si le menu est menu il faudra prévoir autre chose pour arriver à la fin et, en plus, nous resterons sur notre faim. Pourquoi notre faim ? De qui d’autre pourrait-elle être ? Ce n’est pas comme la fin qui, elle, peut être la nôtre comme celle de quelqu’un d’autre, qu’il ait faim ou pas, soit dit en passant, cela n’a aucune importance. Restant sur notre faim, cette dernière enclenchera la recherche d’un nouveau menu.
Simple, non ?
Pas si simple car si le nouveau menu est aussi menu, voire plus menu que le premier venu, non, pas venu, le premier menu, le temps ayant passé, la fin sera encore plus lointaine tandis que la faim en sera plus proche.
Plus proche de la fin ? Non.
Plus proche du sujet, en tout cas pas de la fin. Et cela pour un simple motif : si la faim peut être proche de la fin je ne vois pas comment la fin peut être proche de la faim.
Je suis conscient que la dernière argumenta- tion vient contredire ce qu’elle veut prouver. Et alors ? Nous ne sommes pas à une contradiction près, bien au contraire, une contra- diction nous approche de la fin, ce qui est notre but afin de ne pas rester sur notre faim.
Revenons donc au menu.
« Oh ! mais ça vous obsède ce “menu” ! », me direz-vous. Notez que vous pouvez me le dire autant que vous voulez, je ne vous entendrai pas le dire. Il ne vous restera que l’écrire si vous y tenez. Mais cela est une autre histoire.
C’est vrai, depuis le jour que j’ai reçu le titre de ce « Quiproquo » j’en suis obsédé.
Du menu ? Non, des obsessions ! J’en suis envahi.
Depuis quelques semaines j’ai mal au dos. A chaque mouvement, debout ou au lit, j’exprime ma douleur par des « ahi », des « ouh », des « oups » (certains en italien dans le texte) et voilà que depuis ce « Quiproquo » je ne dis plus que des « obs ». Les obsessions m’obsèdent tellement que j’ai fini par faire des sessions de « obs ». Très embêtant des « obs, obs, obs » pendant la nuit réveillant même les voisins ou dans le tram attirant la foudre sur vous et, à la fin, même pendant les consultations que j’ai dû arrêter. Cela devenait infernal avec les patients.
Vous ne vous rendez pas compte. Une vraie souffrance. Des dialogues de sourds que mes oreilles et celles des patients devaient supporter. C’est déjà compliqué d’écouter les phrases de nos patients mais quand cela devient un dialogue de sourds, je l’avoue, j’aimerais être sourd dans l’espoir que l’autre devienne muet.
Petit extrait d’avant-hier :
- « Vous savez, docteur, il m’arrive d’allumer et éteindre la lumière...
- Ah ! je vois... vous... obs, obs, obs, obs...
- Vous observez.
- Non, je voulais dire si... obs, obs, obs...
- Si l’obscurité me fait peur ? Pas du tout.
- Attendez, vous... obs, obs, obs...
- Je vous obstrue la vue, excusez-moi, je me déplace.
- Non, l’illumination est vieille. Je pense qu’elle est... obs, obs, obs...
- Qu’elle est obsolète, un peu, mais elle a son charme.
- Revenons à notre travail, obs, obs, obs...
- Obstétricien ? Non, je suis comptable avec comme hobby la course.
- Aux... obs, obs, obs...
- Aux obstacles ? Non, la course à pied, tout simplement. Elle me fait du bien. Rester à la maison ça me...
- Ça vous... obs, obs, obs...
- Ça m’obstrue le cerveau. Là, vous avez fait une observat... une... obs, obs, obs...
Pour lire la suite...
La personne qui vient nous voir pour des pensées intrusives, des comportements compulsifs que nous abrégeons avec l’acronyme TOC, trouble obsessionnel compulsif, est une personne qui souffre et qui, comme toute personne souffrante, a droit à notre respect et à notre écoute afin de l’accompagner au mieux dans son cheminement vers une vie plus apaisée. L’intensité de sa souffrance m’a toujours frappé de même que la dificulté dans la thérapie, elle aussi vite contaminée par le trouble en question.
Quand je me sens proche du patient, je peux mieux me moquer de la maladie présente. Je peux tenir la main de mon patient souffrant d’une maladie de Parkinson et dire au café que, le parkinsonien, pas mon patient, sucre les fraises. Les fraises font habituelle- ment partie du dessert, sauf pour ceux qui en mettent dans la salade ou le risotto. Oui, oui, et pourquoi pas ? Ici, nous sommes encore à l’entrée de notre menu.
Menu menu ou menu pas menu ? Il faut le savoir car si le menu est menu il faudra prévoir autre chose pour arriver à la fin et, en plus, nous resterons sur notre faim. Pourquoi notre faim ? De qui d’autre pourrait-elle être ? Ce n’est pas comme la fin qui, elle, peut être la nôtre comme celle de quelqu’un d’autre, qu’il ait faim ou pas, soit dit en passant, cela n’a aucune importance. Restant sur notre faim, cette dernière enclenchera la recherche d’un nouveau menu.
Simple, non ?
Pas si simple car si le nouveau menu est aussi menu, voire plus menu que le premier venu, non, pas venu, le premier menu, le temps ayant passé, la fin sera encore plus lointaine tandis que la faim en sera plus proche.
Plus proche de la fin ? Non.
Plus proche du sujet, en tout cas pas de la fin. Et cela pour un simple motif : si la faim peut être proche de la fin je ne vois pas comment la fin peut être proche de la faim.
Je suis conscient que la dernière argumenta- tion vient contredire ce qu’elle veut prouver. Et alors ? Nous ne sommes pas à une contradiction près, bien au contraire, une contra- diction nous approche de la fin, ce qui est notre but afin de ne pas rester sur notre faim.
Revenons donc au menu.
« Oh ! mais ça vous obsède ce “menu” ! », me direz-vous. Notez que vous pouvez me le dire autant que vous voulez, je ne vous entendrai pas le dire. Il ne vous restera que l’écrire si vous y tenez. Mais cela est une autre histoire.
C’est vrai, depuis le jour que j’ai reçu le titre de ce « Quiproquo » j’en suis obsédé.
Du menu ? Non, des obsessions ! J’en suis envahi.
Depuis quelques semaines j’ai mal au dos. A chaque mouvement, debout ou au lit, j’exprime ma douleur par des « ahi », des « ouh », des « oups » (certains en italien dans le texte) et voilà que depuis ce « Quiproquo » je ne dis plus que des « obs ». Les obsessions m’obsèdent tellement que j’ai fini par faire des sessions de « obs ». Très embêtant des « obs, obs, obs » pendant la nuit réveillant même les voisins ou dans le tram attirant la foudre sur vous et, à la fin, même pendant les consultations que j’ai dû arrêter. Cela devenait infernal avec les patients.
Vous ne vous rendez pas compte. Une vraie souffrance. Des dialogues de sourds que mes oreilles et celles des patients devaient supporter. C’est déjà compliqué d’écouter les phrases de nos patients mais quand cela devient un dialogue de sourds, je l’avoue, j’aimerais être sourd dans l’espoir que l’autre devienne muet.
Petit extrait d’avant-hier :
- « Vous savez, docteur, il m’arrive d’allumer et éteindre la lumière...
- Ah ! je vois... vous... obs, obs, obs, obs...
- Vous observez.
- Non, je voulais dire si... obs, obs, obs...
- Si l’obscurité me fait peur ? Pas du tout.
- Attendez, vous... obs, obs, obs...
- Je vous obstrue la vue, excusez-moi, je me déplace.
- Non, l’illumination est vieille. Je pense qu’elle est... obs, obs, obs...
- Qu’elle est obsolète, un peu, mais elle a son charme.
- Revenons à notre travail, obs, obs, obs...
- Obstétricien ? Non, je suis comptable avec comme hobby la course.
- Aux... obs, obs, obs...
- Aux obstacles ? Non, la course à pied, tout simplement. Elle me fait du bien. Rester à la maison ça me...
- Ça vous... obs, obs, obs...
- Ça m’obstrue le cerveau. Là, vous avez fait une observat... une... obs, obs, obs...
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STEFANO COLOMBO Médecin psychiatre, psychologue diplômé consultant à la Faculté de Médecine de Genève (enseignement et supervision). Enseigne l’hypnose éricksonienne et la thérapie cognitive en France, Belgique, Suisse et Italie. Conférencier.
MOHAND CHÉRIF SI AHMED (alias Muhuc). Psychiatre en libéral à Rennes. Formation en hypnose et thérapies brèves. Pratique des thérapies à médiations artistiques. Utilise particulièrement le dessin humoristique de situation en thérapie (pictodrame humoristique). Illustrateur et intervenant par le dessin d’humour lors de rencontres et congrès médicaux.
MOHAND CHÉRIF SI AHMED (alias Muhuc). Psychiatre en libéral à Rennes. Formation en hypnose et thérapies brèves. Pratique des thérapies à médiations artistiques. Utilise particulièrement le dessin humoristique de situation en thérapie (pictodrame humoristique). Illustrateur et intervenant par le dessin d’humour lors de rencontres et congrès médicaux.
Revue Hypnose et Thérapies Brèves 77
N°77 : Mai / Juin / Juillet 2025
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce numéro :
Editorial : « L’empathie et la compassion comme fil d’or du soin » Julien Betbèze
8 / En couverture : Anne Dayot De sable et d’algues Sophie Cohen
10 / Désamorcer les traumas et se replacer dans l’existence par la Psychothérapie du Trauma Réassociative (PTR) Marine Manouvrier et Gérald Brassine
20 / Chemsex, trauma et EMDR-IMO . L’échelle de mesure « croire en moi » Sophie Tournouër
28 / Cothérapie avec Romain Faire émerger les relations sécures Jérémie Roos
36 / La voie métaphorique en « super-inter-vision ». Comment développer la créativité. des soignants Claire Conte-Rossin et Catherine Martin
ESPACE DOULEUR DOUCEUR
46 / Introduction Gérard Ostermann
50 / Empathie et compassion Deux forces pour soigner autrement Olivier de Palézieux
61 / INTERVIEW Mylène Blasco Propos recueillis par Gérard Ostermann
68 / DOSSIER TOC
70 / La société contemporaine : Perfection et fabrique des TOC Grégoire Vitry et Emmanuelle Gallin
82 / La pensée magique dans les TOC Typologie des rituels magiques Claude Michel
QUIPROQUO
98 / Les obsessions S. Colombo, Muhuc
BONJOUR ET APRÈS...
102 / André et son ventre Pour une séance plus qu’émouvante Sophie Cohen
LES CHAMPS DU POSSIBLE
106 / Se cogner au réel Adrian Chaboche
CULTURE MONDE
114 / Dans les sanctuaires du shintō Bruno Bréchemier
LIVRES EN BOUCHE
120 / J. Betbèze et S. Cohen
125 ESPACE FORMATIONS
Illustrations: Anne DAYOT
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce numéro :
Editorial : « L’empathie et la compassion comme fil d’or du soin » Julien Betbèze
8 / En couverture : Anne Dayot De sable et d’algues Sophie Cohen
10 / Désamorcer les traumas et se replacer dans l’existence par la Psychothérapie du Trauma Réassociative (PTR) Marine Manouvrier et Gérald Brassine
20 / Chemsex, trauma et EMDR-IMO . L’échelle de mesure « croire en moi » Sophie Tournouër
28 / Cothérapie avec Romain Faire émerger les relations sécures Jérémie Roos
36 / La voie métaphorique en « super-inter-vision ». Comment développer la créativité. des soignants Claire Conte-Rossin et Catherine Martin
ESPACE DOULEUR DOUCEUR
46 / Introduction Gérard Ostermann
50 / Empathie et compassion Deux forces pour soigner autrement Olivier de Palézieux
61 / INTERVIEW Mylène Blasco Propos recueillis par Gérard Ostermann
68 / DOSSIER TOC
70 / La société contemporaine : Perfection et fabrique des TOC Grégoire Vitry et Emmanuelle Gallin
82 / La pensée magique dans les TOC Typologie des rituels magiques Claude Michel
QUIPROQUO
98 / Les obsessions S. Colombo, Muhuc
BONJOUR ET APRÈS...
102 / André et son ventre Pour une séance plus qu’émouvante Sophie Cohen
LES CHAMPS DU POSSIBLE
106 / Se cogner au réel Adrian Chaboche
CULTURE MONDE
114 / Dans les sanctuaires du shintō Bruno Bréchemier
LIVRES EN BOUCHE
120 / J. Betbèze et S. Cohen
125 ESPACE FORMATIONS
Illustrations: Anne DAYOT